Les Larmes de la Lune

         Les titans, dès leur chute, furent pourchassés, abattus. Akasha, à la tête du premier mouvement de révolte, s'exila et se mit en sécurité. Les autres, exilés sur la Terre, se trouvèrent continuellement en danger alors que la rancune étreignait le cœur de ceux sur qui ils avaient régné pendant tant d'années. Dhebos et Perfidar furent vaincus par une armée de mortels qui étaient en possession d’une des Épées des trois héros et Bayemonn essaya tant bien que mal de s'enfuir vers divers plans d’existence jusqu'à ce que ses dernières forces le quittèrent.
            La seule à rester en pleine possession de ses moyens était celle qui avait jusqu'alors espéré un retour à l'Ordre qu'elle n'avait jamais voulu, elle, chambouler. Lune, la titan de l'Espoir, avait réussi à s'installer dans un petit village en venant en aide à ceux dont le malheur faisait courber leurs épaules tout en se contentant de regarder de loin, de sa campagne, les évènements qui secouaient le reste du monde.
            Pourquoi donc les créatures dont elle avait assisté à la naissance se rebellaient contre elle, essayaient de la tuer? N'avait-elle pas toujours été là pour eux, même - et surtout - dans les moments les plus sombres?
            Elle n'avait même pas pris la peine de se cacher et c'est peut-être pour cela que personne n'avait encore pensé à s'attaquer à elle, cherchant à anéantir les plus dangereux. Cependant, alors qu'elle seule subsista, ceux qui l'avaient accueillie dans leur village vinrent frapper à sa porte armée de torches et de faux, mettant feu à la maison qu'elle avait occupée, tentant de la blesser, animés par une force étrange qu'elle ne leur avait jamais connu. Elle avait tenté de semer chez eux l'Espoir mais semblait avoir échoué, et elle fut donc forcée de s'exiler. Elle chercha pendant des semaines un endroit, avant de s'écrouler, épuisée, après avoir été chassée sans cesse.
            Qu'avait-elle fait de si mauvais pour être ainsi repoussée, battue? Parce qu'on avait réussi à l'atteindre, on avait réussi à la faire souffrir, et c'est en sang qu'elle se trouvait à bout se souffle, se trouvant à vouloir mettre un terme à son existence qui, à son avis, ne servait plus à rien.
            Elle s'écroula, ainsi, secouée de violents sanglots, écrasée par le ciel d'une noirceur effarante au-dessus d'elle. Puis, lors d'un coucher de soleil qui l'émut particulièrement, elle eut une idée, une idée brillante.
            Se levant, ouvrant les bras, elle s'éleva, grandit, portée par sa volonté de venir en aide à une humanité détruite par, elle le croyait, sa déchéance, la sienne et celle de ses frères. Lune, ainsi, devint la Lune que l'on connaît.
            La scène qu’elle pouvait observer depuis la voute céleste l’attristait tant. Voyant les peuples des hommes qui lui en voulaient autant à elle et ses frères, elle se mit à pleurer. Ses larmes claires et brillantes couvrirent le monde d’Odaness comme les larmes d’une mère qui voit ses enfants sombrer dans la déchéance. Pénétrant le sol, ses larmes se cristallisèrent, créant le métal blanc que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’argent. Or, c’est pour nous donner espoir contre le mal de ce monde qu’elle, la Lune, et ses larmes, l’argent, brillent si fort dans les moments les plus sombres.
            Affligée, cependant, jamais Lune ne nous montre son vrai visage, et c'est son dos martyrisé par les nombreux coups qu'on lui a portés que l'on voit lorsqu'on la regarde, comme les marques éternelles de l'erreur que l'on a faite en la croyant aussi malfaisante que ses semblables.
            Les soirs de nouvelle lune, on raconte qu'elle descend sur terre et que, parfois, alors que l'on a perdu tout espoir en la victoire, elle intervient dans les affaires mortelles.
            On raconte même que c’est grâce à elle et à sa visite sur notre terre que le feu destructeur put être arrêté.

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