Prière pour une âme perdue

Clément au Dos d’acier n’a pas toujours été le guerrier connu pour sa bravoure et son sens de la justice. En fait, il était très turbulent étant petit. Il est né dans une famille d’agriculteurs sur Kelnor. Il était un enfant agité et curieux. À l’adolescence, il a appris les rudiments du métier de cultivateur auprès de son père. Clément n’aimait pas vraiment travailler dans les champs, et partait souvent se balader dans les bois avoisinants la terre familiale. Il paressait sous un arbre, ou regardait les nuages passés. Cela mettait son père dans des colères terribles, et Clément était souvent puni. Il aspirait à plus grand. Un jour, après une violente dispute avec son père, il quitta la maison en courant et en jurant que plus jamais il n’y remettrait les pieds. Il avait 16 ans.

Il n’avait emporté que le strict minimum avec lui. Il passa donc sa première nuit en grelottant, couché sous un chêne. Au matin, il fut réveillé par les cris de sa famille qui le cherchait. Il prit ses jambes à son cou et plongea au cœur de la forêt. Il voyagea ainsi pendant plusieurs semaines, mangeant ce qu’il trouvait dans les bois et mendiant auprès des fermes qu’il rencontrait. Sa colère contre son père le poussait cependant à continuer, malgré la faim et la fatigue. Il avait juré qu’il ne retournerait pas chez lui.

Un mois après avoir quitté son foyer, il arriva exténué dans un petit village situé au croisement de 3 routes. Il réussit à se faire engager comme garçon d’écurie à l’auberge du village. Son travail consistait à s’occuper des chevaux des voyageurs qui séjournaient à l’auberge. En échange, il était nourri et pouvait dormir avec les chevaux. Clément se dit que c’était toujours mieux que de travailler dans les champs avec son insupportable père qui le talonnait pour vérifier que son travail était correct.

Un an passa, et Clément était maintenant très habile dans le soin des chevaux. Au fil des mois, il avait vu passer de nombreux voyageurs et avait écouté les histoires que ceux-ci racontaient autour d’une boisson dans l’auberge. Impressionné, il rêvait lui aussi de partir à l’aventure et de combattre les créatures maléfiques qui semblaient hanter la majorité des chemins et des forêts, du moins selon les dires des voyageurs. Un jour pourtant, il fit une rencontre qui allait changer sa vie.

Un groupe de prêtres se présenta au village, simplement vêtus. Dans leurs yeux, on pouvait lire la bonté et la sympathie. Ils demandèrent l’hospitalité à l’aubergiste en échange de soins qu’ils pouvaient prodiguer. On accepta de les loger dans l’écurie, avec Clément. Le soir, il put donc discuter avec eux. Ceux-ci se présentèrent comme des prêtres de Velvania en pèlerinage. Ils recevaient des pouvoirs de leur ferveur, et en échange ils devaient voyager de par le monde et enseigner à ceux qui les entouraient la voie de l’amour, la voie du bien comme ils l’appelaient parfois. Le dirigeant de la troupe, si on pouvait dire ainsi, se nommait Alexis.

Clément fut extrêmement impressionné par ses hommes et ses femmes qui vivaient simplement et dans la bonté. Cette nuit-là, il sentit que sa vie venait de basculer : il venait de trouver sa voie, et celle-ci serait celle de Velvania. Le lendemain, il se mit en route avec eux.
La petite troupe arpenta donc les routes de Kelnor, venant en aide aux démunis et apaisant les souffrants. Partout où ils allaient, leur passage ne laissait que du bonheur derrière. Alexis et ses suivants étaient des êtres de bonté. D’autres gens furent conquis comme Clément par l’idéologie de Velvania et bientôt, la troupe passa d’une douzaine de membres à près d’une centaine. Tous étaient convaincus que le bien était la solution, et leur regard ne portait aucune trace de malveillance.

Cela faisait maintenant 2 ans que Clément était avec Alexis, et ils étaient devenus de bons amis. Malgré ses grands airs, Alexis n’avait que 23 ans. Les deux jeunes hommes s’entendaient à merveille et partageaient la même vision d’un monde meilleur. Clément avait aussi appris à invoquer la déesse de l’amour et de la guérison, et était capable de guérir avec ses seules mains. L’importante troupe arriva finalement dans un village dévasté qui semblait avoir été la cible d’une importante force armée. Les maisons étaient encore en flamme. En explorant les décombres, on découvrit quelques survivants qui s’étaient cachés. Le village semblait pourtant familier à Clément et c’est avec horreur qu’il reconnut son village natal.

Il courut à en perdre l’haleine vers les terres de sa famille, situées en retrait. Il trouva la grange en feu et les bœufs égorgés baignant dans leur sang. Clément se précipita à l’intérieur de la maison familiale. La porte était défoncée. À l’intérieur, une grande créature poilue et verte, un orque, brandissait une énorme massue. Devant elle, un homme semblait sur le point de s’effondrer. Clément reconnut son père. Il reconnut aussi sa mère et sa sœur, qui se recroquevillaient derrière la table. Il reconnut aussi le corps de son jeune frère, inerte sur le plancher de la maison qui l’avait vu grandir. Cette vision le laissa paralysé. Il resta donc dans l’encadrement de la porte, incapable de bouger. La massue s’abattit au ralenti devant ses yeux, mais son corps ne répondait plus. Le sang gicla, et son père tomba.

Un déclic se fit en lui, et dans un grand cri de rage, Clément déchaîna une force cachée en lui, une force dont il ignorait complètement l’existence. De ses mains jaillit un puissant rayon de lumière blanche. La lumière frappa l’orque et s’intensifia, aveuglant les témoins de la scène. Le cri de Clément s’éternisait, ne voulait pas s’éteindre. Il y eut une dernière explosion de lumière, puis plus rien. Il ne restait rien non plus de l’orque, entièrement consumé. Clément tomba à genoux, à bout de force.

Alexis fit irruption dans la pièce et s’empressa de s’occuper du père de Clément. Il parvient à soigner les importantes blessures de l’homme. Quand Clément leva finalement la tête, son père se remettait debout sur ses jambes. Leurs regards se croisèrent, et le père reconnut le fils. Ils s’étreignirent en versant de chaudes larmes, tout autant attristés par la mort du cadet que par les retrouvailles avec l’aîné. Des funérailles furent faites, simples. Clément enterra son frère avec la nouvelle certitude qu’il ne laisserait plus jamais de telles choses se produire. Il pardonna à son père, et son père lui pardonna. Après avoir aidé à la reconstruction de la ferme et du village, il repartit avec Alexis et les suivants de Velvania, en paix avec lui-même après s’être réconcilié avec son père.

Il avait une nouvelle idée, et en fit part à Alexis. Celui-ci fut charmé, et c’est ensemble qu’ils se mirent en route vers leur nouvel objectif. C’est ainsi qu’ils rejoignirent le Kelnorie, organisation militaire dont le but premier était de protéger les citoyens de Kelnor. Des nombreux suivants qui les accompagnaient, Clément et Alexis se joignirent aux troupes kelnoriennes et se repartirent dans les nombreuses places fortes. Ils furent entraînés par les meilleurs maîtres d’armes de Kelnor. Pourvues d’un code d’honneur, celles-ci avaient pour but de faire régner l’ordre et la justice sur Kelnor en éliminant les menaces potentielles. Alexis et Clément suivirent donc un entraînement militaire afin d’être capables de défendre leurs vies. Ils avaient été accueillis avec bienvenue parmi les rangs du Kelnorie, car les guérisseurs se faisaient rares. Les deux hommes démontrèrent une grande affinité pour le monde militaire de par leur ferveur à empêcher le Mal de proliférer. Ils accomplirent de nombreux exploits, ensemble ou seuls, et se virent attribuer des troupes. Lorsque le commandant en chef du Kelnorie décéda, une élection eut lieu et ce fut Alexis qui l’emporta. Au fil de ces prouesses militaires, Alexis avait été surnommé le Rouge, car tous ceux qui l’avaient rencontré savaient que c’était un homme juste, mais intransigeant quand venait le temps de punir ceux qui le méritaient. Il était la personne toute désignée pour commander les forces Kelnoriennes.

Clément, quant à lui, devint capitaine au sein du Kelnorie. Il acquit le titre de Dos d’acier, car ses hommes savaient qu’ils pourraient toujours compter sur lui en tout temps et que jamais il ne flancherait. Il était loin le jeune enfant turbulent, car Clément avait acquis une discipline exemplaire et une maîtrise de soi impressionnante. Très fervent, il vénérait toujours Velvania, et suivait toujours ses enseignements. Clément était un homme bon, et traitait toujours ses troupes avec respect. Les années s’écoulèrent lentement, puis un jour l’ombre s’abattit sur Odaness.

Après les événements qui conduisirent au réveil de Noïro et à l’exode de Kelnor, Clément fut envoyé sur Noctala par Alexis afin d’aider à l’établissement de nouvelles colonies. C’est là qu’il fit la connaissance d’une paladin de Raksha nommée Xénaria. Cette dernière était vouée à réaliser de grandes choses. Les ordres de Clément étaient clairs : ils devaient éliminer toute menace potentielle aux nouvelles colonies. Alexis lui remit une petite statuette magique afin qu’il puisse se transporter magiquement, lui et ses hommes, si la situation était désespérée. La statuette avait la forme d’un faucon, mais recelait de pouvoirs cachés dont même Alexis ignorait l’existence.

Au cours des combats qu’il mena contre les créatures monstrueuses qui peuplaient l’île, Clément fut à nouveau assailli par la même force qui lui avait permis de détruire l’orque qui menaçait sa famille. Cette fois, sa pratique de la magie et sa maîtrise de soi lui permirent de canaliser l’énergie. La statuette se révéla un excellent réceptacle pour cette puissance cachée en Clément. Peu à peu, Clément découvrait de nouvelles utilisations de cette énergie qu’il baptisa « magie du Faucon ».

Les Snasarims, hommes-serpents habitants l’île depuis des millénaires, entrèrent en contact avec les nouveaux arrivants. Alexis vit en eux une menace, et ordonna qu’on les extermine. Ce que l’on ignorait, c’est que la noirceur de Noïro avait frappé fort au sein du Kelnorie. Alexis le Rouge, commandant en chef des forces kelnoriennes, avait été souillé par le dieu de la Mort, et croyait maintenant en d’autres idéaux fort loin de ceux de Velvania et du Kelnorie. Clément trouva d’abord les ordres un peu drastiques, mais fit son travail de soldat. Cependant, un groupe de rebelles se forma, prônant la liberté et refusé d’exterminer les indigènes. Xénaria à leur tête, ils réussirent à recueillir quelques appuis. La paladin allât discuter avec Clément et parvient à le convaincre qu’Alexis était devenu déraisonnable. Toutefois, Clément ne se sentait pas capable de se retourner contre son plus cher ami.

Lorsqu’Alexis le Rouge se présenta en personne pour mener la bataille qui se voulait décisive contre les Snasarims, Clément le suivit d’abord, mais lorsque le commandant lui ordonna de massacrer les rebelles, dix fois moins nombreux, Clément ne put obéir. Il s’était engagé dans le Kelnorie pour protéger la vie, et non procéder à des exterminations. Le souvenir du corps ensanglanté de son frère étendu sur le sol de sa maison finit de le convaincre, et il allât se ranger dans les rangs des rebelles aux côtés de Xénaria.

Il aida les rebelles, menés par Xénaria, dans la bataille qui eu lieu sur l’île autrefois ténébreuse. Il fit appel aux forces de la Lumière afin de l’aider contre les forces maléfiques qui possédaient le corps d’Alexis. Il combattit aux côtés de Xénaria, porteuse de la légendaire hache de Raksha. À un moment, il perdit la valeureuse guerrière des yeux. Il était engagé dans un terrible affrontement contre Alexis, qui maniait une sombre épée. Clément s’aida de ces nouveaux pouvoirs que lui conférait la statuette du Faucon. Il fut séparé d’Alexis dans le chaos du combat où il était difficile qui était de quel côté. Clément se mit à la recherche de Xénaria dans la cohue.

Il la retrouva gisante sans défense à la merci du seigneur-liche envoyé par Noïro pour guider Alexis. L’immonde créature, nommée Azraël, ruisselante de sa non-vie, lui proposa un arrangement : c’était elle ou lui. Comme lorsqu’il avait été confronté à la mort de son frère, le temps sembla s’arrêter pour Clément. Les pensées affluaient dans son esprit et il était incapable d’y mettre de l’ordre. Les combats faisaient toujours rage. Il était bouleversé par la corruption d’Alexis, par ce massacre autour de lui, par cette paladin qui était si juste et honorable. Il était un homme d’honneur, et toute sa vie il avait défendu la cause de Velvania et du Kelnorie. Il ne regrettait aucun des gestes qu’il avait posé, aucune des paroles qu’il avait dites. Il n’avait pas connu autre amour que celui de Velvania, mais il n’en était pas peiné. Toute sa vie, toutes ses actions l’avaient mené jusqu’ici, jusqu’à ce point, ce moment. Maintenant, il devait prendre la décision. Et il fit son choix.

Incapable de laisser mourir la jeune femme, il se sacrifia et prit sa place. Il prit son épée en ses deux mains. Elle lui avait été utile dans cette vie. Il la déposa sur le sol. Il prit ensuite dans sa main la statuette du Faucon qu’il portait en pendentif, et se mit à invoquer sa puissance, comme il se mit à invoquer Velvania de lui donner la force de passer cette dernière épreuve. Alors qu’il s’agenouillait devant la liche et que Xénaria était relâché, il savait qu’il avait pris la bonne décision, la dernière décision de sa vie. Le mort-vivant réalisa une incantation et, puis, ce fut le néant. Il partit avec une prière aux lèvres, une prière pour Alexis, une prière pour la rédemption de son âme…

Son âme s’envola et fut recueillie par le dieu de la Mort lui-même…

Malgré tout, les rebelles remportèrent la bataille et Xénaria mit fin aux jours d’Alexis. Ce dernier, revenu à lui à la vue du massacre et de la mort de son plus cher ami, se mit à genoux devant la paladin en lui suppliant de mettre fin à ces jours. La hache de la Justice s’abattit en ce sombre jour pour le Kelnorie, qui venait de perdre son commandant ainsi qu’un valeureux capitaine. Des âmes perdues, perdues entre les mains de Noïro…

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